Il y a deux types de personnes en soirée : celles qui craignent la gueule de bois et celles qui ne boivent pas et doivent se contenter d’un jus ou d’un soda peu festif. Mais cela appartient désormais au passé. De nouvelles marques de spiritueux sans alcool proposent maintenant des gins, des vins rouges, rosés. Même des pétillants aux arômes subtils et puissants.
Ces nouvelles alternatives offrent une expérience de qualité aux amateurs d’alcool qui souhaitent réduire leur consommation. Aussi aux personnes qui ne boivent jamais d’alcool. En cette période de réveillon du Nouvel An traditionnellement très arrosé et du lancement du Mois Sans Alcool, nous examinons ces vins et spiritueux sans alcool. Ils sont de plus en plus populaires qui peuvent être consommés sans modération.
Spiritueux sans alcool, une vraie demande ?
Jusqu’à récemment, l’offre de boissons sans alcool se limitait à quelques bières, du jus de pomme pétillant dans une fausse bouteille de champagne. Des boissons façon cocktail fluo promettant une fête encore plus folle. Ces produits, remplis de sucre et d’additifs, n’étaient pas très intéressants en termes de goût. Ils avaient un marketing ultra-kitsch peu attrayant, principalement destiné aux femmes enceintes », explique Aline Pozzo di Borgo, experte en marketing de luxe.
Même si la France est le sixième pays le plus grand consommateur d’alcool de l’OCDE, les chiffres sont en baisse. Entre 1960 et 2018, la consommation moyenne d’alcool par Français est passée de 200 à 80 litres par an. « Les gens boivent moins, les comportements évoluent et l’émergence du Dry January témoigne de ce changement », souligne Aline Pozzo di Borgo. « Aujourd’hui, être capable de ne pas boire est hype. En particulier chez les millénials, qui sont conscients de boire et veulent le faire de manière plus raisonnée. C’est là que les boissons sans alcool trouvent tout à fait leur angle d’approche ».
Il y a trois ans, lorsque Valérie de Sutter a créé JNPR, sa marque de gin sans alcool. « L’intérêt pour le secteur était limité. Aujourd’hui, on prête davantage attention à sa santé. De plus en plus de gens font attention à ce qu’ils mangent et boivent. Majoritairement, nos clients continuent à boire de l’alcool, mais ils veulent réduire leur consommation. En semaine pour rester en forme au travail, ou le week-end quand ils doivent conduire. Dans cette configuration, certains prennent l’apéritif avec JNPR. Ensuite un verre de vin ‘normal’ au dîner, et ainsi réduisent leur consommation globale »
Des spiritueux sans alcool qui plaisent enfin !
Pour séduire les palais habitués à l’alcool, il fallait proposer de « vraies » alternatives. « Une nouvelle offre qualitative et très aromatique est apparue, avec des vins, des gins et des rhums sans alcool », explique Aline Pozzo di Borgo. « Cette qualité est due à l’entrée en jeu des distillateurs, qui ont su créer des versions sans alcool avec de vraies saveurs, pas des substituts sucrés ». Ces substituts ne ravissaient pas vraiment le palais de Fathi Benni: « Moi qui ne bois pas, j’étais condamné à me retrouver avec un verre de jus ou de cola en soirée », se souvient-il. C’est pourquoi, « au fait des attentes de ces non-consommateurs d’alcool pour qui il n’existait pas d’offre digne de ce nom », il a lancé il y a cinq ans Le Petit Béret, une marque de vins et spiritueux sans alcool cofondée avec Dominique Laporte, meilleur sommelier de France.
Une vrai développement sur la durée
Pour développer leur gamme, les deux associés ont mis au point un processus en partenariat avec l’Inrae : « un procédé unique de distillation qui permet d’obtenir les mêmes profils aromatiques qu’un spiritueux ou un vin, sans avoir de fermentation secondaire alcoolique. Donc nos produits, sans sulfites ni éléments chimiques, ne contiennent pas d’alcool et n’en ont jamais contenu ». Quelques années plus tard, la marque propose un large choix de vins blancs, rouges ou pétillants, ainsi que des spiritueux de type rhum, whisky, liqueur de pomme, citron ou menthe, et prépare le lancement d’une dizaine de nouveautés. « Le goût et la qualité sont au rendez-vous parce qu’on mise aussi sur des ingrédients de qualité », insiste l’entrepreneur. « Au point que l’on ne fait souvent pas la différence entre nos bières ou vins pétillants dans une dégustation à l’aveugle avec des versions alcoolisées ».
La qualité des ingrédients et des processus est également ce qui motive la fondatrice de JNPR. « Notre nom vient de ‘juniper’, ou baie de genièvre en anglais, ingrédient phare du gin », explique Valérie de Sutter. « Nous proposons une offre qualitative et assumée sans alcool, c’est pourquoi nous avons développé nos recettes avec l’un des meilleurs bar tenders au monde en collaboration avec notre distillerie en Corrèze. Nous utilisons des épices et des plantes que nous distillons en alambic comme pour un gin traditionnel, sauf que celui-ci est produit directement sans alcool et non désalcoolisé par la suite, afin de mettre l’accent sur le goût et n’avoir aucun résidu d’alcool. Et aucun sucre n’est utilisé ».
Au goût, les épices et les plantes expriment leurs arômes, mais sans sensation de brûlure. « Naturellement, notre gin n’a pas 40 degrés d’alcool », explique Valérie de Sutter, « mais il a une belle longueur en bouche. Et mélangé à un tonic par exemple, la comparaison est bluffante ».
Des prix encore trop élevés ?
Pour cette nouvelle offre, chaque détail est conçu pour offrir une expérience de luxe. « Nous avons créé des accords mets et boissons avec le chef Gilles Goujon, 3 étoiles au Guide Michelin. Ceci afin que les gens puissent se faire plaisir de l’apéritif au digestif », révèle Fathi Benni, dont la marque compte des amateurs dans le monde entier. « Nous sommes présents dans les pays qui ont une culture des vins et spiritueux. Mais aussi dans ceux où l’on ne boit pas. Cela permet à ceux qui ne boivent pas de ne pas se sentir exclus ou sous-estimés. Ceci que ce soit en soirée chez des amis ou au restaurant quand on vous tend la carte des vins. L’alcool n’a pas le monopole des boissons raffinées ».
Ces nouvelles boissons sont également servies dans les endroits les plus chers. « Désormais, des restaurants nous appellent parce que les clients leur demandent du JNPR. Ils veulent une offre de qualité sans alcool partout, c’est nouveau », remarque Valérie de Sutter.
« Nous travaillons avec un grand groupe de restaurants à Paris, dont les ventes de cocktails sans alcool représentent 40 % des ventes de cocktails, c’est énorme. Et c’est pareil pour les bars les plus populaires. Aujourd’hui, un établissement digne de ce nom doit offrir à ses clients des cocktails fins et sophistiqués sans alcool ».
Des clients cependant de plus en plus nombreux pour les spiritueux sans alcool
L’offre a été bien accueillie, au point que les clients n’hésitent pas à payer le même prix que pour un spiritueux classique.
« En raison de leur qualité, les marques arrivent à justifier l’idée de vendre leurs produits au même prix que les versions alcoolisées », note l’experte en marketing de luxe. Cependant, même s’ils ne contiennent pas d’alcool, ils ne coûtent pas moins cher à produire.
« En fait, cela coûte même environ 30 % plus cher », souligne Fathi Benni. Un surcoût qui s’explique « par une quantité plus importante d’épices et d’herbes », ajoute Valérie de Sutter. En outre, « les marques ont su se positionner sur le créneau du luxe. Avec des offres élaborées en termes de goût, de packaging – avec de très beaux flacons – et d’expérience », analyse Aline Pozzo di Borgo. « Il y a eu une véritable recherche, on a pris tous les codes du premium pour en faire des produits attractifs. Pour lesquels les consommateurs sont prêts à payer ».